Mise au Point sur la Martinique et la Guadeloupe

Rapports sur le COVID-19 en Amérique Latine et la Caraïbe: No. 6 (In English)

1. Quel est votre intérêt dans ce projet ? 

En tant que professionnels de l’information, nous avons un rôle majeur à jouer pour contribuer à une meilleure diffusion de l’information et accompagner les citoyens dans leurs besoins quotidiens. La Caraïbe, où j’exerce, est une région qui traverse de nombreuses crises comme les catastrophes naturelles. Le réseau professionnel est essentiel pour contribuer à une meilleure circulation de l’information sur les territoires, mais également pour échanger des expériences, outils et méthodes. L’association des bibliothèques universitaires, de recherche et institutionnelles de la Caraïbe (ACURIL)  dont je suis actuellement Vice-Présidente, contribue significativement à animer ce réseau. C’est donc avec enthousiasme que je participe, pour les territoires français de la Caraïbe, à l’initiative de collecte et de diffusion des informations concernant les réponses légales face à la COVID-19.

2. Quelle est la situation actuelle concernant le COVID à Martinique et en Guadeloupe ? 

En Martinique, au 20 septembre 2020, il y a eu 1 290 cas depuis le début de l’épidémie et 20 décès selon l’Agence régionale de santé Martinique (ARS). Jusqu’en août, le nombre de cas recensés était très faible. Il s’agissait surtout de cas arrivés de l’extérieur avec peu de transmissions locales. Il y a eu une nette augmentation des chiffres à partir de cette période. Cela peut s’expliquer par une reprise des liaisons aériennes avec Paris, une reprise plus importante des activités professionnelles, un relâchement des gestes barrières en période de vacances scolaires, mais également par une intensification des tests de dépistage.

En Guadeloupe, au 20 septembre, il y a eu 4 487 cas cumulés de coronavirus selon l’Agence régionale de santé Guadeloupe (ARS). Le nombre de nouveaux cas est en hausse significative avec 1095 cas pour la semaine du 14 au 20 septembre. Il y a eu au total 42 décès depuis le début de l’épidémie. La hausse des cas est importante depuis le mois d’août, avec une recrudescence ces dernières semaines. On déplore également une hausse des hospitalisations. Au 20 septembre, 24 personnes étaient hospitalisées au service de réanimation. Il s’agit de personnes ayant pour point commun la présence de comorbidités (obésité, diabète, hypertension artérielle).

3. Quelles sont les mesures qui ont été prises en Martinique et en Guadeloupe ?

La Martinique et la Guadeloupe sont des territoires français. Les principales mesures sont prises par les préfets qui représentent l’État sur le territoire. La France a d’abord décrété un confinement général également appliqué aux territoires français de la Caraïbe (alors peu touchés), du 17 mars au 11 mai. Dès le début de la pandémie, les populations de Martinique et Guadeloupe ont instamment demandé des mesures pour l’arrêt des croisières et la limitation du trafic aérien. Les déplacements ont un temps été limités aux « motifs impérieux ». Depuis le mois de juillet et la fin de l’état d’urgence (10 juillet), un test est obligatoire 72h avant le départ pour se rendre en Martinique ou en Guadeloupe. Après le confinement, des mesures importantes ont été appliquées dans les lieux publics et privés recevant du public comme le port du masque obligatoire dans les lieux clos et dans certains espaces ouverts très fréquentés, la désinfection régulière des locaux, la mise à disposition de gel hydroalcoolique.

La Guadeloupe a été placée en zone d’alerte maximale le 23 septembre. À compter du 26 septembre, des mesures très strictes sont appliquées comme la fermeture des bars et restaurants et l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes.

4. Comment le gouvernement a pu maintenir la population informée tout au long de la pandémie? 

Il existe différents niveaux d’information. Les recommandations générales du gouvernement (lavage de main, port du masque, gestes barrières) sont diffusées à grande échelle, via des spots de télévision, radio et campagnes d’affichage.

Les informations plus spécifiques sont diffusées :

Les principaux médias locaux relaient régulièrement ces informations.

5. Existent-ils des problèmes majeurs avec la désinformation?

On pourrait davantage parler de chaos communicationnel que de désinformation. 

En premier lieu, cette crise aggrave en Martinique et en Guadeloupe la crise de confiance envers les autorités. Le gouvernement français a tenu des propos contradictoires tout au long de la crise décrétant initialement le port du masque comme inefficace avant de le rendre obligatoire. Les écoles également ont été les premiers lieux fermés, alors considérés comme vecteur de propagation du virus alors qu’elles restent aujourd’hui ouvertes dans les zones d’alertes maximales. Les enfants ne seraient plus des vecteurs de contamination alors que simultanément des spots publicitaires fréquemment diffusés indiquent qu’ils ne doivent pas s’approcher de leurs grands-parents. Le caractère très changeant des consignes est très déstabilisant pour les citoyens.

Le second problème de mon point de vue est le manque de vulgarisation des travaux scientifiques et la publication de vérités et contre-vérités rapides qui se rattachent à des idéologies davantage qu’à des politiques publiques sanitaires. 

Le troisième problème qui me semble essentiel est l’excès d’information et le déséquilibre du traitement de l’information concernant le coronavirus par rapport à d’autres maladies. La Martinique connaît par exemple une importante épidémie de dengue, avec plus de 16 000 cas depuis le début de l’année, plus de 6000 patients qui ont consulté un médecin pour suspicion de dengue en 1 mois et plus de 200 enfants admis dans des services d’urgences pédiatriques en deux semaines…

6. Quelque chose d’autre que vous désiriez partager?

Oui. Ce qui m’inquiète à ce stade pour nos territoires est l’absence d’études sur l’impact social, sanitaire et psychologique des mesures qui sont prises, principalement sur les populations vulnérables, mais aussi sur les enfants, en pleine construction identitaire. Les dommages co-latéraux ne risquent-ils pas d’être plus importants que la pandémie ? La question mérite d’être posée.

par Anne Pajard, Service commun de la documentation de l’Université des Antilles (University libraries Martinique/Guadeloupe), Martinique

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